« Je divorce… mais combien cela va me coûter ? » – la délicate et cruciale question du coût d’un divorce
L’argent est, après les enfants, s’il y en a, l’aspect central du divorce. Le coût d’un divorce est la question qui brûle bien souvent les lèvres du client qui entre dans notre cabinet, notamment en ces temps de crise économique.
« Combien cela va t il me coûter ? A quoi serais-je condamné ? »
Nonobstant les frais d’avocats, dont il ne sera pas question ici, le divorce a un coût, que ce soit un divorce par consentement mutuel ou un divorce pour faute.
Le rôle de l’avocat est important à ce stade. Il doit informer, conseiller et mettre en exergue le coût ou les coûts de telles ou telles procédures, qu’ils trouvent son origine dans la procédure de divorce, ou dans les frais annexes qu’elle engendre de fait.
1/ les coûts liés à la procédure de divorce elle-même
1-1 les règles applicables à tous les types de divorce
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le coût du divorce à l’égard des enfants ou contribution à l’entretien et l’éducation des enfants
En vertu de l’Article 371-2 du Code Civil :
« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».
La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants prend la forme d’une pension alimentaire qui est versée au parent chez lequel les enfants résident de manière habituelle ou dans le cadre d’une résidence alternée au domicile du parent au détriment duquel une disparité de revenus existe.
Le Juge aux Affaires Familiales va donc devoir étudier d’une part, les capacités financières de chacun des parents (estimation de leurs ressources et de leurs charges), et d’autre part, les besoins des enfants. Le montant de la pension alimentaire peut être fixé conventionnellement par les parents, le rôle du magistrat se limitant alors à homologuer l’accord parental .
Lorsque l’un des parents partage sa vie avec un conjoint, les revenus du conjoint ou concubin seront pris en compte pour évaluer les frais restant effectivement à la charge du père ou de la mère.
Il n’est donc pas considéré que le conjoint doit contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants qui ne seraient pas les siens, mais en revanche, que la perception de revenus par lui a pour conséquence une diminution des charges du parent vivant en concubinage ou remarié.
Le Ministère de la Justice et des Libertés a donc proposé depuis 2010 une grille de référence, afin de tenter d’harmoniser les pratiques des Magistrats dans la fixation des montants de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Cette grille n’est cependant qu’un outil, et est rarement visée dans les décisions prononcées par le Juge aux Affaires Familiales.
Comme toute mesure concernant les enfants, la pension alimentaire peut être révisée si les besoins des enfants ou la situation des parents a évoluée.
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Entre les époux, la prestation compensatoire
La prestation compensatoire est une somme d’argent et/ou un droit transmis par un époux à un autre en vue de compenser l’écart de niveau de vie entre les conjoints résultant du divorce.
Ainsi, la prestation compensatoire est définie par l’article 270 du Code civil qui dispose qu’elle est :
« destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».
La prestation compensatoire est déterminée au cas par cas, en fonction des besoins de l’époux bénéficiaire et des ressources de l’autre. La faute ne rentre absolument pas en ligne de compte.
Il n’existe donc pas de barème de calcul ou de grille, puisque le montant est fixé en fonction des particularités de chaque espèce.
Pour fixer le montant de la prestation, il est en effet tenu compte des situations des époux au moment du divorce mais aussi de leurs évolutions respectives dans un avenir prévisible (leurs évolutions de carrières par exemple).
Le montant peut être fixé à l’amiable entre les époux (dans le cadre d’un divorce par consentement mutuelou d’un accord homologué) ou, à défaut, par le juge. Le juge fixe le montant de la prestation compensatoire en tenant notamment compte des critères suivants :
→ la durée du mariage (plus celui-ci a été long, plus la disparité entre époux sera importante)
→ l’âge et la santé des conjoints ;
→ leur qualification et leur situation professionnelles ;
→ leurs patrimoines respectifs
→ les conséquences résultant des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants ainsi que le temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
→ situation respective en matière de droits à la retraite
En principe, la prestation compensatoire est versée sous forme de capital. Ce dernier est le plus souvent une somme d’argent, mais il peut également prendre la forme d’une attribution de biens en propriété ou d’un droit d’usage ou d’habituation, ou d’un usufruit.
La prestation compensatoire peut être versée en une seule fois. Elle peut également :
- être versée en plusieurs fois si le débiteur n’a pas assez de liquidités pour verser la somme en une seule fois. Le montant est alors payé via des versements périodiques pendant une durée qui ne peut pas dépasser 8 ans
- être versée sous forme de rente viagère lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins.
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Le sort du patrimoine des époux
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l’indemnité d’occupation du domicile conjugal
Si l’appartement ou la maison appartient aux deux époux, le juge attribuera le plus souvent la jouissance du logement à l’un d’entre eux. Cette décision aura des conséquences pour l’autre conjoint puisque ce dernier devra déménager pour se reloger. Tout en occupant son nouveau logement, il restera propriétaire du domicile familial et ce jusqu’à la liquidation du régime matrimonial.
Mais il se trouvera donc désavantagé et privé de la jouissance de son bien.
C’est pour cette raison que le juge peut décider de lui accorder en contrepartie une indemnité d’occupation versée par le conjoint demeurant dans le logement, cette indemnité n’étant toutefois pas systématique.
En effet, eu égard à la situation respective des époux, une occupation à titre gratuit peut tout à fait être décidée. Dans ce cas, l’époux qui se maintient dans le logement pendant la procédure n’a pas à payer d’indemnité d’occupation.
Cette contrepartie interviendra lors de la liquidation du régime matrimonial et se déduira de la part devant revenir à l’époux qui a bénéficié du bien.
De façon générale, le montant de cette indemnité est fixé en fonction de la valeur locative du bien occupé, de la perte des fruits et revenus subie par l’indivision et des ressources et charges de chacun des époux.
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Liquidation du régime matrimonial
Le prononcé du divorce entraîne la liquidation du régime matrimonial :
- Les époux mariés sous le régime de la communauté légale doivent se répartir les biens communs.
- Ceux mariés sous le régime de la séparation ont souvent acquis des biens meubles ou immeubles en indivision qui nécessitent de faire des comptes entre eux.
Dans le cadre d’une procédure de divorce ou de succession, c’est le notaire qui établit un acte officiel permettant de partager des biens communs : il s’agit de l’état liquidatif.
Le notaire procède à différents calculs tenant compte des biens comme des dettes, mais aussi des remboursements éventuels que se doivent les époux. Il fait les comptes.
Faire les comptes signifie que l’on va évaluer les biens et les dettes communes du couple. Chacun récupère ses biens propres.
Si la communauté a pu bénéficier d’un bien propre à l’un des époux, elle doit l’indemniser. On parle alors de « récompense ».
Si l’un des époux a utilisé des biens communs dans son intérêt personnel, il devra à l’inverse indemniser la communauté.
Il est possible et pas seulement pour le divorce par consentement mutuel de négocier entre époux le partage du patrimoine du couple. Les accords qui seront passés devront nécessairement être présentés devant le juge du divorce pour être homologués.
Si aucun accord n’est trouvé, le juge du divorce décidera à votre place.
1-2 les spécificités propres aux divorces conflictuels
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l’indemnité de l’article 266 du code civil
L’article 266 du code civil prévoit la possibilité de paiement de dommages et intérêts en réparation des conséquences d’une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage. Toutefois, cette réparation ne peut avoir lieu que dans certains cas bien précis. Ils correspondent à l’une des deux situations suivantes :
- Le divorce est prononcé aux tords exclusifs de l’autre conjoint (adultère, …)
- L’époux était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et n’avait lui-même formé aucune demande en divorce.
Depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la condamnation du conjoint au paiement de dommages et intérêts dans le cadre d’une procédure pour altération du lien conjugal est possible.
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Dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil
Si le conjoint qui souhaite être indemnisé ne se trouve pas dans un des cas de l’article 266, il peut toujours faire une demande d’indemnisation de son préjudice sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Cet article prévoit que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Avec deux précisions utiles toutefois :
- le comportement fautif de l’autre époux doit faire naître un préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du lien conjugal
- cette demande ne pourra pas être formée en cas de divorce par consentement mutuel
2/ les autres coûts auxquels on ne pense pas forcément
Divorcer c’est se séparer, redevenir célibataire, ne plus vivre à deux. Les implications sont multiples et pas forcément appréhendées par l’époux qui divorce. En effet, il convient de se reloger, d’assumer les charges courantes seul avec un seul revenu, d’accueillir les enfants communs et de les prendre en charge seul.
De la même façon, au plan fiscal, il y aura désormais deux foyers fiscaux.
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En conclusion, divorcer a un coût. Il est primordial de bien penser et bien évaluer les postes de dépenses dès le début de la procédure, avec le concours de son avocat.
A notre époque, crise économique oblige, il n’est pas rare que le coût global du divorce dissuade les couples d’aller jusqu’au bout de la procédure ou bien les conduise à des stratégies de sous-évaluation, voire de dissimulation de revenus.
Pour autant, deux mariages sur trois se soldent par un divorce. Conjoncture économique ou pas, la courbe ne s’inverse pas.