Depuis le 19 mai 2014, les débats font rage au sein de l’Assemblée nationale sur l’adoption d’une proposition de loi sur la famille dite “ relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant”. Aux engagements du gouvernement de faire “passer” cette réforme avant la coupure estivale, les députés de l’opposition répondent par le dépôt d’une myriade d’amendements.
On se croirait revenu au temps de la loi polémique sur le “mariage pour tous”.
Pourtant le texte évite soigneusement tout sujet controversé, tel que la procréation médicalement assistée et la filiation, pour se concentrer sur les conséquences liées à la séparation des parents et à la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant.
Il est donc question de parentalité et de ses enjeux.
La parentalité désigne le processus qui mène à l’état d’être parent, son développement et ses vicissitudes.
Appréhender ce nouveau concept, sous le prisme du nombre croissant des séparations de couple parentaux et des litiges qui en naissent, voilà le nouveau défi que tente de relever cette proposition.
1/ les principales mesures
Les mesures phares de la dite loi s’inscrivent donc dans un souci d’apaisement, de médiation, de protection de l’enfant.
→ autorité parentale
Le principe demeure que l’autorité parentale est conjointe entre les deux parents. Ceux-ci vont devoir apprendre (dans certains cas) à dialoguer.
Désormais tout acte de l’autorité parentale important, devra requérir l’accord exprès de chacun des parents.
L’acte d’autorité parentale important n’est pas défini réellement. Il s’agit d’un acte qui concerne l’avenir de l’enfant suffisamment sérieux pour toucher à ses droits fondamentaux. Ils s’opposent aux actes de la vie courante. On peut ainsi y trouver les changements d’école, le choix de la religion, le changement de changement de domicile.
→ la résidence de l’enfant
Jusqu’à présent, en cas de séparation, la question était de savoir lequel des parents aurait la résidence principale de l’enfant commun, l’autre ne bénéficiant que d’un droit de visite et d’hébergement. Dans certains cas, les parents faisaient le choix de la résidence alternée.
Avec la proposition, on parlera de “double résidence”. La résidence de l’enfant sera fixée au domicile de chacun des parents, selon des modalités de fréquence et de durée déterminées d’un commun accord entre les parents ou, à défaut, par le juge. Le terme “accueil” serait préféré à celui de “droit de visite et d’hébergement”.
→ une amende civile
En cas de parent récalcitrant, violant ces règles, ne respectant pas la place de l’autre parent, des sanction pécuniaires ou amendes civiles pouvant aller jusqu’à 10 000 € pourront être prononcées.
C’est la nouveauté de la proposition.
→ reconnaissance des beaux-parents
La proposition prévoit qu’ils pourront bénéficier d’un “ mandat d’éducation quotidienne”. De la même façon, les nouveaux compagnons ( ou nouvelles compagnes) pourront aller chercher l’enfant à l’école ou l’emmener chez le médecin sans avoir besoin du consentement du parent biologique.
→ le recours à la médiation
Toujours dans le but de favoriser le dialogue parental, la proposition met l’accent sur les modes alternatifs de résolution des conflits, en privilégiant la médiation. Ainsi, le juge aux affaires familiales pourra contraindre les parents à faire une médiation.
2/ Que faut il réellement en penser ? Cette propostion est -elle une réelle avancée ou de la “poudre aux yeux”?
Dans un premier temps, en tant qu’auxiliaire de justice, je ne peux que saluer les intentions du gouvernement de faire évoluer la question de l’intérêt de l’enfant et de la parentalité.
Dans un second temps, il faut rappeler qu’il y a souvent un fossé entre les intentions premières et sommes toutes louables, du législateur et la mise en pratique.
A ce stade des discussions, il est difficile de se projeter sur l’application à proprement parler de ces dispositions. Nous parlons d’individus, de situations toutes différentes les unes des autres. Il est illusoire de croire que tous les parents souhaitent une organisation complètement égalitaire comparable à une résidence alternée. Les raisons en sont multiples: travail, capacité à s’occuper de l’enfant, famille recomposée…
Si l’on peut comprendre que les associations de défense de pères soient séduites, les débats de cette proposition remettent en avant celui de l’importance respective de la mère et du père dans la construction de l’enfant. D’aucun pourra alors s’intéresser aux travaux du professeur Gérard POUSSIN sur le sujet.
En conclusion, comme c’est la cas pour chaque réforme, il appartiendra aux avocats et aux magistrats de composer avec les desiderata et la situation de chacun, grâce ou en dépits des outils juridiques qu’ils leur sont offerts.